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Mythologie(s) n°53 – Version numérique

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Byzance, empire et croyances

De la chute de Rome à la conquête turque, l’Empire byzantin a rayonné pendant plus de mille ans, coiffant une partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique pendant sa période faste. Après avoir plié sous le glaive latin, les nouveaux Grecs ont inauguré une renaissance culturelle sous les auspices d’une nouvelle religion. L’antique civilisation, pourvoyeuse des dieux et des mythes, devenait au tournant médiéval le creuset d’un christianisme impérial. Succédant au roi-prêtre des temps anciens, représentant de Dieu sur la Terre, l’empereur eut pour premier devoir de faire respecter l’orthodoxie, la droite (ortho) opinion (doxa), la vraie doctrine « qui pense dans la bonne voie ».

À Rome, les papes ne l’entendirent pas de cette oreille. La cité de saint Pierre refusa de soumettre leur nomination à la ratification impériale. Pire encore, l’évêque des évêques sacra un deuxième « empereur des Romains » en 800 ! Charlemagne, ce fruste germain, bien loin non oint, porta ainsi ombrage à la puissance politique et spirituelle du chef de Sainte-Sophie. Le grand schisme de 1054 puis la chute de Constantinople aux mains des croisés en 1204 enfoncèrent encore plus le coin. L’exercice d’un pouvoir absolu et sans partage sur les âmes, les consciences et les cœurs ne fut et n’est jamais acquis… Surtout lorsque le calife voisin, Haroun al-Rasid (786-809), invita l’empereur à choisir entre la conversion à l’islam ou le paiement de la djizîa, sans quoi la guerre sainte (jihad) lui serait déclarée ; un travail entamé au sabre par les Arabes, puis achevé au yatagan par les Turcs.

L’ennemi intérieur couvait également. À commencer par les hérétiques et les hétérodoxes ! Véritables Hydres de Lerne, le nestorianisme, l’arianisme et le monophysisme menacèrent l’unité politique et religieuse durant les premiers siècles de l’empire. Et si les moines et le clergé assuraient le relais de la dévotion impériale, le maître des reliques et des serments dut continuellement jouer de leurs appétits respectifs, surtout lors de la crise de l’iconoclasme (726-843) qui dévoilera les tensions entre la partie européenne de l’empire (iconodoule) et sa partie asiatique (iconoclaste). Ainsi, le projet d’une Jérusalem terrestre restait d’autant plus instable que ses bases reposaient sur le substrat d’anciennes croyances. Les saints ne firent pas toujours pièce aux mages et aux devins ; certains patriarches et empereurs hétérodoxes furent parfois accusés de sortilèges… Heureusement, les démons eurent leur utilité : tous traduisaient le mal, dont l’humanité est encore affligée. Pour libérer les victimes de leur emprise démoniaque, la démonologie, qui relève de la théologie, reste le meilleur des remèdes. In fine, la façade lisse de l’empire chrétien unifié fut le visage grêlé d’un royaume perlé de croyances.

Bertrand Audouy, rédacteur en chef

Publié le 28/06/2023

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