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Maudit génie !
« Céline a été un collaborateur enthousiaste de l’Allemagne nazie », observe Pierre-André Taguieff, mais l’homme demeure le père d’un style qui a bouleversé la littérature au XXe siècle. C’est acquis, Destouches est un maudit, trouble personnage hanté par son antisémitisme maladif, penché sur l’épaule du bourreau, mais Céline a réalisé une révolution littéraire, un exploit esthétique réservé à si peu d’écrivains. Inutile donc de le scinder en deux. L’être paradoxal, au bout de la nuit, lumineux dans le style, perdu dans ses obsessions malsaines, n’entre pas dans une case.
Le débat autour du projet de réédition des pamphlets et la relecture de l’ensemble de son œuvre romanesque à l’aune de ses textes odieux: Bagatelles pour un massacre (1937), L’École des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941), puis la publication des inédits chez Gallimard : Guerre, puis Londres, en 2022, ainsi que La Volonté du roi Krogold en 2023, ont relancé une vieille passion française : les débats sur la collaboration et la littérature. Comme l’un ne va pas sans l’autre, notamment dans le cas de Céline, sa vie poursuivant son œuvre, nous progresserons dans ce numéro avec l’auteur, du berceau Courbevoie à son décès à Meudon, pour tenter d’y voir plus clair, dans une pensée sombre non dénuée d’humour et de cynisme. Que faut-il retenir de sa jeunesse morose en région parisienne et des débuts tragi-comiques de son incorporation ? Peut-être les prémices d’une personnalité troublante, révélée par les traumatismes de la Grande Guerre… « Votre sourire fige en bourrelets puants… » ? De ce carnage guerrier, nourri de son expérience en Afrique et de sa vocation médicale auprès des plus démunis, naîtra un livre viscéral et plébiscité : Voyage au bout de la nuit. Destouches devenu Céline signait là le début d’une longue aventure littéraire, marquée du sceau d’un style en pleine évolution, au gré de pitoyables errements politiques.
De ce personnage à romans, tant honni que vénéré, point d’interrogation dans la mémoire nationale, ce numéro témoigne, avec des spécialistes reconnus, admiratifs de l’œuvre, sans complaisance pour l’individu, « Tout agaga comateux qu’il avait l’air ».
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