Mythologie(s) n°62

Des Gaulois silencieux ?

La Gallia Comata désigne la Gaule libre avant sa conquête par Jules César, au nord de la future Narbonnaise. Souvent décrite comme une terre sauvage et boisée peuplée de sangliers, cette vision romantique a été largement remise en question. L’archéologie révèle un territoire structuré, cultivé et loin des clichés d’un peuple vivant isolé dans les forêts, s’étendant jusqu’à l’océan, le Rhin et les Alpes. L’organisation sociale et les coutumes s’ancraient dans un ordre cosmique où chacun tenait une place déterminée selon son rang : guerrier, druide, artisan ou paysan. Le gaulois, ou celtique ancien, ou archéoceltique a été parlé en Europe occidentale à partir du Ier millénaire av. J.-C. jusqu’au Ve siècle apr. J.-C. Aujourd’hui éteinte, mais encore palpable dans quelques inscriptions, cette langue portait les inflexions d’une culture orale puissante qui véhiculait des mythes et des savoirs dans les récits et les rituels.

Leur panthéon, peuplé de dieux comme Taranis, Belenos, Epona, dessinait un paysage divin fragmenté mais foisonnant, dans lequel la nature formait un temple mystérieux. Le cerf majestueux, le sanglier puissant, le corbeau énigmatique, forces sylvestres agissantes, accompagnaient symboliquement les humains dans le quotidien et la guerre. Les objets parlaient aussi : le torque, collier de métal torsadé, scellait le lien entre le porteur et le divin. La ceinture, simple en apparence, ceignait l’être autant que son destin. Portés, transmis, enterrés, ces artefacts contenaient des fragments de puissance. Cette mémoire n’est donc pas un mirage folklorique. Explorer les Celtes en Gaule, c’est écouter une mémoire qui bat sous nos pieds, une mythologie incarnée où chaque coutume, chaque mot, chaque dieu invoque un monde que les champs, les routes et les bourgs n’ont pas entièrement rendu au silence.

Bertrand Audouy, rédacteur en Chef