Mythologie(s) n°48

Le Nil, mémoire d’un fleuve

Les Égyptiens l’appelaient simplement « le fleuve », mais avec ses 6 666 km environ, le Nil s’impose comme le plus long du monde après l’Amazone. Né à Khartoum, au Soudan, de la rencontre du Nil Blanc, qui prend sa source au lac Victoria en Ouganda, et du Nil Bleu, qui dévale depuis le lac Tana en Éthiopie, il traverse et irrigue le désert pour s’épanouir dans le delta égyptien.

Pour tenter de l’apprivoiser sans pour autant le dominer, les Anciens ont fait appel aux forces divines, mais également aux ressorts de l’intelligence humaine, en témoigne leur maîtrise des techniques d’irrigation. Grande saignée bleue au coeur d’un pays aride, le cours d’eau a créé une voie d’échange propice à la naissance des grands récits fondateurs du pays des pharaons. Ses débordements, garantissant l’abondance en fertilisant les terres de son limon, favorisèrent la naissance des cités imposantes dont les temples et les tombeaux témoignent dans leur représentation de son ascendant sur les hommes. Ses crues annuelles, aussi ardemment espérées pour l’apport de son limon que redoutées lors des inondations colériques et ravageuses, rythmaient l’organisation de l’agriculture égyptienne ancienne. Le roi et son peuple ne pouvaient qu’honorer ce fleuve à la glèbe noire, fluide nourricier de la terre prometteuse, phénomène mystérieux exploité par les hautes sphères. De cette divine boue, ils baptisèrent leur pays du nom de Kemet, « la terre noire », nom antique de l’Égypte. Et pour veiller sur cette splendeur liquide, dont la source inconnue a longtemps excité les imaginations, la croyance collective lui attribua un dieu protecteur, Hâpy, l’esprit du Nil, son essence dynamique, que la construction du haut barrage d’Assouan a fait disparaître du quotidien, mais pas de la mémoire. Jalonné sur son parcours des mythes les plus merveilleux, l’Axe absolu du monde déploie hier comme aujourd’hui la force de ses récits.