Jean-Paul Sartre

Jean-Paul Sartre – Version numérique

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Une liberté qui interroge

« L’enfer, c’est les autres. » Cette formule, lapidaire et provocante, résume à elle seule l’ambivalence de Jean-Paul Sartre : penseur de la liberté, mais aussi analyste de l’aliénation. Philosophe, romancier, dramaturge, essayiste, il fut l’un des rares à incarner l’intellectuel total, celui qui ne se contente pas de penser le monde, mais prétend le transformer. Son œuvre, foisonnante, a donné ses lettres de noblesse à l’existentialisme, cette philosophie de l’engagement qui considère que l’être humain forme l’essence de sa vie par ses propres actions, celles-ci n’étant pas prédéterminées par des doctrines théologiques, philosophiques ou morales.

L’Être et le Néant, Les Mots, La Nausée, Les Mains sales : autant de jalons d’une pensée qui refuse les échappatoires, qui confrontent l’homme à sa liberté nue. Sartre nous force à regarder en face ce que nous sommes : des êtres jetés dans le monde, condamnés à choisir, à agir, à assumer. Mais derrière cette grandeur se dessinent des ombres. Son aveuglement face aux régimes totalitaires, son indulgence envers le maoïsme, son silence sur les goulags soviétiques furent autant de compromissions que Raymond Aron dénonçait avec sévérité, parlant d’un « compagnonnage de route avec le pire ». Albert Camus, plus fraternel mais non moins lucide, regrettait chez lui « une pensée qui sacrifie l’homme à l’idée ». Même Claude Lévi-Strauss, plus discret, ironisait sur son « ethnocentrisme philosophique » sartrien. Et que dire de l’homme ? Brillant mais parfois illusionniste, généreux mais volontiers cynique.

Sa relation avec Simone de Beauvoir, fondée sur un pacte de liberté et de sombres manipulations affectives, fascine autant qu’elle interroge. Non exempt de contradictions, son legs intellectuel permet encore de penser hors des cadres, du Tout-Paris « rive gauche » de Saint-Germain-des-Prés, de refuser les dogmes dont il fut si friand, et d’affronter l’absurde avec dignité, dont il manqua parfois. Il reste, malgré ses errements, une figure originale : celle d’un homme qui aura tenté, jusqu’au bout, de faire coïncider la pensée et la vie, même si ses actes n’étaient pas toujours conformes avec ses idées. Être conséquent avec soi-même, voilà bien un défi existentiel. Et une bonne raison de relire Sartre.

Publié le 17/09/2025

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